« Signature » est une expérience photographique participative autour de la rencontre et des processus cognitifs qui se jouent entre les individus.

Grâce au portrait photographique, il est possible de sensibiliser le public à la notion d’altérité et de reconnaissance de l’autre. Le sujet devient acteur ou actrice de cette expérience puisqu’il choisit lui-même l’une des photographies qui seront exposées.
Mon travail photographique tente d’exprimer la complexité d’un individu à travers deux photos exposées côte à côte.

La photo exposée à gauche est systématiquement la photo que le sujet a sélectionné.
La photo de droite est une photo que j’ai choisie et qui offre un autre regard sur le sujet.

Le contraste entre ces deux photos offre aux spectateurs la possibilité d’entrevoir  différents traits de la personnalité d'un individu.
ÉTUDE COMPORTEMENTALE

Les premières secondes qui succèdent la rencontre avec un nouvel individu sont déterminantes.

Durant cette période le cerveau crée de nouvelles synapses, de nouveaux chemins neuronaux. Cette réaction chimique qui ne dure que quelques millisecondes laisse place à une analyse succincte de l’individu que nous venons de rencontrer.

Ce réflexe reptilien, non conscient, a pour but de de nous préserver du danger, de savoir si nous pouvons faire confiance à une personne, de déterminer si nous sommes face à un ami ou un ennemi.Ce décodage réflex est inscrit dans le programme de survie de l'espèce.

Malheureusement, l’idée que nous nous faisons d’une personne dans ces 10 à 20 secondes s’imprime de façon indélébile. Ces impressions de sécurité ou d’inconfort, de sympathie ou de gêne, d’attirance ou de rejet resteront gravées à jamais dans un coin de notre cerveau, sans que nous n’en n’ayons conscience.

J’ai nommé cette impression que l’on laisse : « La signature ».
Tout n’est pas figé pour autant. En effet, une fois passé ce cap de quelques secondes, nous reprenons le contrôle de notre cerveau et nous faisons preuve de discernement, du moins pour ceux qui le veulent.

Nous essayons d’approfondir notre connaissance de l’autre, nous mettons nos premières impressions à l’épreuve en cherchant les éventuelles contradictions afin d’affiner notre jugement. Plus nous passons du temps avec un individu plus nous sommes en mesure d’identifier quel est son caractère, quels sont ses leviers émotionnels, ses valeurs, la nature de ses sentiments.

Plus nous cheminons au côté d’un individu, plus nous le découvrons dans son entièreté. Nous intégrons ses réactions, ses humeurs dans un contexte global. Nous raccordons nos impressions et nos sentiments à l’égard de l’individu à son passé, son histoire, son parcours. C’est finalement cette complexité de la relation qui nous sauve de « la signature » et qui nous permet de dépasser les préjugés, les stéréotypes.

Encore faut-il avoir l’envie et le temps d’aller vers l’autre, de se risquer à l’associer à notre parcours, de l’intégrer dans notre vie. Bien souvent, « la signature » s’imprègne trop profondément dans notre conscience et il devient impossible de faire naître le désir de s’en détacher.

Il s’agit donc d’un effort. Un effort salutaire qui nous permet une meilleure compréhension et  donc une meilleure acceptation de l’autre.
LE MASQUE

Lors d’une première rencontre cette micro-analyse est forcément réciproque.
Les deux protagonistes s’évertuent à dégager une impression de l’autre sans s’en rendre compte.
Cependant, je m’interroge sur la part de conscient et d’inconscient que nous avons dans la façon de nous présenter à l’autre. Existe-t-il une volonté de ne livrer qu’un aspect de notre personnalité ? Sommes-nous, durant ces premières secondes, en représentation ? Est-ce que ce réflexe reptilien est aussi présent dans la manière que nous avons de nous dévoiler ? Pour nous protéger, séduire, fédérer ou impressionner ?

Je pense que chacun de nous souhaite préserver sa complexité. Que nous portons, en effet, des masques de protections qui s’effrite à mesure que la relation grandit. Que la confiance en l’autre  et en soi-même permet de nous dévoiler en profondeur.
Et tant mieux.

Quel serait l’intérêt d’une personnalité si elle était entièrement transparente? Offerte à tous en quelques secondes. Quel plaisir prendrions-nous à passer du temps avec l’autre? Quelles surprises agréables ou désagréables nous offriraient cette connaissance intégrale d’un individu ?
Nous serions tout simplement privé de curiosité.

Certes, les préjugés n’existeraient plus, mais je préfère un monde de préjugés qui se dé-construisent qu’un monde qui se construit sur des certitudes.
DÉROULEMENT D'UN SÉANCE

Pour la mise en situation je choisis de ne pas informer les sujets de ma démarche. Le shooting est donc présenté comme une simple séance de portraits avec pour seule précision que deux tirages seront exposés. Au terme de la séance le sujet sélectionne la photo qu’il préfère, celle qui le représente le plus, celle avec laquelle il se sent le plus à l’aise et qu’il souhaiterait voir exposée.

Pour obtenir ces clichés qui révèlent la complexité d’un individu il est important que je place le sujet dans une situation de confort et de confiance. Pour cela je dois dialoguer avec le sujet, instaurer une relation, manifester de l’intérêt pour son histoire.

Je marque souvent des pauses entre les prises de vues, je relance la discussion par une question,  j’oriente mes questions de sorte à ce que l’individu se remémore des instants, des émotions. Je laisse la personne répondre et je reprends quelques photos quand je sens que le sujet a changé de regard, d’attitude.

Parfois, je marque un silence que je prolonge volontairement. Ces silences nous plongent, le sujet et moi, dans une sorte de vide, chacun se demande ce qu’il fait là, la gène s’installe et c’est souvent à ce moment précis que se dégage dans le regard de l’individu quelque chose de « vrai ». Le silence est à la fois déconcertant et révélateur.
LA SÉLECTION

La sélection des photos par le sujet est très révélatrice. En effet, j’ai pu remarquer que les individus affichant le plus de confiance en eux choisissaient souvent une photo qui collait vraiment à leur personnalité.
Au contraire, les individus en retrait choisissaient systématiquement une photo diamétralement opposée à ce qu’il sont réellement.

J’ai donc vu des nounours choisir des photos qui les montraient en grizzlis, des timides sélectionner des photos où ils s’affichaient pleins d’assurance et des clowns choisir des portraits « Linkedin ».

Le dénominateur commun reste que la photo qu’ils sélectionnent est au final la plus proche de leur « signature ».

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